mercredi, octobre 21, 2009

[Episode 7]

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Elle est assise jambes croisées en face. Rouge 80’s aux lèvres. Chevelure foulée par le vent. Gestes lents. Froidement distinguée dès que je fixe son sourire poster. Illico je feins une discussion sans queue ni tête lorsqu’elle convoite mes lèvres surexposées. Posons et fumons et crachons volutes de fumée l’air de rien. L’art de la séduction sur fond de snobisme. Puis elle se lève aussi belle qu’une balle. M’emmerde de ce pas et moi je souris à la tentative avortée. Paresseuse au pied du firmament s’évadant du champ de mines à l’eau de rose. Pourvu que la corde ne lâche pas, je supplie l’ange déchu planté en plein cœur de la rosace de l’église Saint-Ouen. J’attendrai. Bien qu’il faille s’ennuyer à siroter une bière sans saveur, que déjà un type à moustache scrute tel un espion dans ma ligne de mire. En lieu et place du siège vide. Putain, c’est qui ce gars. C’est qui ce gars qui plante ses yeux dans les miens. L’évite, trop tranchant, et ça me donne des aigreurs. Vous savez, comme si des centaines d’aiguilles vous tricotaient l’estomac. Et de se demander tout à la fois : qui peut bien être celle née d’un parent pigmenté ébène. C’est ce que je lui dirais si elle me demandait de la décrire, « vous appartenez à l’identité remarquable, vos manières, votre indifférence, vos adieux », « Vous avez tout faux » sera sa riposte. J’acquiescerai tout en crachant un nuage de fumée sur son visage. « N’y a rien de pire que l’expression suffisante de la vérité », je lui avouerai les yeux dans le vague. Elle m’écrasera le pied d’un air gêné. S’en retournera avec grâce. Je ne sentirai rien. Rien. Pas même le souffle glacial de l’illusion, de celle qui ne reviendra pas.




J’en étais à la NEP quand N. m’a appelé : « une petite virée à Nantes, ça te dit ? » Sans hésitation la réponse est oui.

Je prétexte aussitôt une excuse bidon à Marie, une gamine de quinze ans pour qui L’URSS est un concept aussi abscons qu’inutile. Mais la petite n’est pas née de la dernière pluie. Elle me file les 20 euros et me souhaite de bien me fendre la gueule. Je lui promets mon vieux poster des Cure, l’époque Kiss me kiss me. C’est qu’elle adore les chanteurs maquillés depuis la lointaine époque de Tokio hotel.


Nantes -- métropole sous surveillance vidéo.

Entrée en grande pompe par la rue de Strasbourg.

Ma première envie serait de me poser au bord de la Loire. De respirer cet autre concurrent de la Seine. Souvenir bien ancré du collège je suppose.


Focus on dans le désordre.

Larges avenues / Bâtiments austères / Gigantesques places / Un vent d’une force redoutable / Des caméras effectivement / Touristes d’extrême Orient / Un navire de guerre / Des bars ayant pour voisins des bars / Des mecs & des nanas fringués comme partout / Le château des Ducs de Bretagne / Un concert de Joe Jackson à venir / L’industrie de la biscuiterie / Des gens qui parlent le turc / Des pigeons forcément / Encore des bars / Des CRS cachés dans une ruelle / Parents et bambin se promenant le samedi / Soleil de fin d’après-midi / Une charmante rue qui a vécu de son passé colonial / Avion à basse altitude / Objet jaune en métal de l’autre côté de la rive / exilé politique kurde nous offrant du thé / La rigueur du lycée Clemenceau / Une cathédrale pas assez maquillée / À la recherche d’une rue perdue / Odeurs de pâtisserie qui sent bien bon le beurre / Un groupe de filles & de garçons bruyants / Des bars à thèmes / Les colonnes de l’opéra / Le 7ème avion / Un énorme clébard qui me fout la trouille / Un C.H.U. qui a la même gueule que la nôtre / Une fan d’electroclash dans les bras d’un gentil garçon / Étrange modulation du chant d’un oiseau en quête de l’amour perdu / Pause café le temps de souffler & cigarettes dans le vent


Taverne de la gargouille. 3 allée de Turenne.

N. et les autres se préparent. Visages occupés. Spectre de la balance. Musicien c’est aussi un boulot bien que la rumeur publique prétende que ce soit le temps de l’amusement. Ai toujours cru que la jalousie était la source d’un tas d’emmerdes qui vous donne envie d’exister.

À cause donc de la tension qui règne : les problèmes de connexion, des prises jack trop courtes, la guitare qui sature, le bassiste qui n’arrête pas de jouer pendant ce temps-là, le Mac qui plante, le chanteur qui tourne en rond, N. qui sympathise avec le patron, le chanteur qui cherche à gagner une heure parce que les gars n’ont pas envie de jouer à 19h30, des fans déjà au rendez-vous, un jack en moins cette fois, les photos qui se bousculent, des regards qui se perdent, une petite blague du chanteur et tout le monde se détend, le bassiste exécute un standard des Pixies, le patron opine du chef, le patron est connaisseur, le patron offre la tournée générale, N. exulte, et moi je n’y ai pas droit parce que je ne suis pas musicien. C’est deux euros pour vous !

Je m’éclipse.


22h30. Il est temps de retourner à la Taverne. Je sens que N. va me faire la gueule.

Après avoir boudé, je suis allé marcher un peu. Prendre l’air comme on dit. Et puis un type m’a accosté sans aucune raison particulière. Ils sont peut-être comme ça à Nantes, chaleureux, accueillant, au feeling. J’étais bien content de fraterniser avec une personne locale. Il m’a offert un verre. Puis un deuxième. Puis un troisième. Et ainsi de suite. Nous avons parlé de nos villes respectives. Qu’il ne connaissait pas Rouen, cette petite bourgade où le vide absolu devait être le quotidien des gens, un endroit sinistre à en croire l’article de Libération paru à la fin des années 90, une ville mortellement ennuyeuse d’après le narrateur d’extension du domaine de la lutte. « Erreur ! », je lui dis, « Ce n’est peut-être pas une métropole d’équilibre mais il se passe bien des choses au pays.

-- Comme votre équipe de football. C’est quoi déjà le nom ?

-- Le FCR, les diables rouges.

-- Ah !

-- Tu sais… Rouen, c’est… comment dire… je veux dire… comment t’expliquer… c’est quelque chose de physique, qu’on aime pour la vie.

-- À t’entendre, c’est le paradis chez toi !

-- Il n’y a pas de paradis sur Terre. Rouen n’est pas une légende. »

Début de gêne entre deux étrangers qui boivent un coup ensemble. Sauf que l’ange qui passe m’entraîne dans l’erreur fatale : « qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » Et il a commencé son long monologue. Et merde.

Appelons le Paul.

Paul était un rastaman dans sa jeunesse, communiquait avec jah par skunk interposée, écoutait Big Youth et criait sur tous les toits Jaaah ! Raaaastaman ! King of kings ! Lord of Lords ! Parce que l’Éthiopie, Hailé Sélassié, cet homme que mon père m’avait présenté comme un despote -– sauvé par l’histoire en ayant été le premier dirigeant noir ayant fait un discours à la SDN, cet homme qui avait été acclamé en Dieu à son arrivée à Kingston, ce surhomme (sic) que Paul vénère. Car Paul est convaincu de son africanité, depuis qu’il avait séjourné au Sénégal (bizarre tout de même que personne ne passe des vacances en Centrafrique où au Congo) Il me dit que là-bas tout est authentique, les gens, la vie, la vraie vie. Ah ! Et la musique, le mbalakh qui l’avait tant fait frémir, le djembé forcément, les sonorités féminines du Wolof et de la cora, les mille et une saveurs du tieboudieune.

Paul n’aime plus les blancs. Il a une dent contre les historiens et les philosophes de ce pays. Selon lui, la négation de l’Histoire commence avec l’Antiquité. Sais-tu que l’Égypte des pharaons est une civilisation nègre !, qu’il m’a lancé. J’aimerais lui demander, lui dire : « As-tu déjà fanfaronné avec le mot nègre devant un black ? Parce que j’avais connu un type de ton genre à qui il était arrivé malheur. Et puis, je m’en fous royalement. Après tout je suis jaune. Un jaune d’Afrique. Et tu sais ce que les jaunes pensent de ton antiquité de merde ! »

Je regrettais aussitôt ma piètre réflexion, d’être tombé aussi bas, comme cela arrive souvent quand nous ne maîtrisons pas nos frustrations.

Il me fixa, se détourna, serra les poings, mais comment est-ce possible ? Il ne comprenait pas que je puisse aimer Rouen, cette ville de blanc. Il me fixa de nouveau. Cul-sec. En recommanda une. Pour moi aussi. Il me reprochait de me saper comme un blanc. Et puis c’est quoi encore ce badge, ces types maquillés, les cheveux crêpés. Il ne comprenait vraiment pas. Moi non plus. Et puis c’est quoi se saper comme un blanc. Comme un toubab. Comme un vahaza. C’est quoi exactement ! Parce qu’il faudrait que je mette un boubou et un badge à l’effigie de Léopold Sédar Senghor peut-être. Non, trop assimilé celui-là. Patrice Lumumba est plus authentique, bien qu’il soit de l’ex-Zaïre. Tu connais Lumumba ?

Paul est un frustré, un frustré de l’histoire coloniale. De l’histoire de l’esclavage. Tous dans le même panier et hop ! les anachronismes buzzent comme l’éclair. Du moment que c’est aussi délicieux qu’un poulet à la dakatine.

L’humain est un filou et Paul en est le précieux jouet.

Mais déjà il est passé à un autre sujet.

Quand Paul était un rastafari, il glandait beaucoup. Il était un feignant. Et il se le reprochait. Du temps perdu, qu’il me dit, parce qu’on a qu’une seule vie. Maintenant qu’il bosse, il traite les autres de feignants. Un peu comme ceux qui ont arrêté de fumer. De boire. De regarder la télé. De manger des pizzas : tous ceux qui ont découvert la foi du juste. Me suis insurgé. Mais trop tard encore. Déjà il me parlait de son boulot, de trucs techniques à mourir d’ennui, qu’il ne lui manquait plus qu’une femme et il aura atteint son but dans la vie. Merde, il n’a pas plus de 35 ans et il me colle ça dans la gueule. Envie de lui dire dans les yeux comme un ami qui vient de loin : « arrête de boire ! Parce ce que c’est peut-être ça au final, tout ce désordre qui règne dans ta tête. » Mais là n’était pas son problème. Il préférait m’exposer le pourquoi du comment nous en étions là derrière un récit musclé, paroles avinées en mode répétitif, monologue tournant en boucle sans jamais être rayé, ce qui avait le don de m’agacer. Je restai diplomate faute de mieux -- écoute toujours attentivement l’étranger qui te parle que m’avait enseigné mon père ; il voudrait se repentir, laver la faute de ses ancêtres criminels. M’a pris la main. Entre frères. Entre gens de la même tribu (sic). C’est l’un des curieux aspects de la mondialisation : nous monopolisons l’identité des autres pour en façonner des marionnettes qui nous ressemblent.

Après avoir regardé l’heure, lui dis que j’ai un rendez-vous important, suivi du gros mensonge : « heureux d’avoir fait ta connaissance et à bientôt j’espère… à Rouen ! »

Exit.


-- T’étais passé où ?, me demande N. avec insistance.

-- Je me suis égaré. Et le concert ?

-- Allez viens, on est attendu.

-- Où ?

-- À la soirée de l’amitié.

J’ai la tête qui tourne. Peut-être même envie de vomir.

Après vingt minutes de marche, nous y sommes. Je me sens beaucoup mieux. Pas étonnant que les puissants de ce monde s’affichent souvent sur quelque terrain glissant avec le bâton du berger. Enfin, c’était avant qu’ils ne se mettent à courir.

Une grande brune nous ouvre la porte. Elle s’appelle Svetlana.

-- Bulgare ?, N. demande.

-- Non, suédoise.

Elle nous explique qu’elle est une serbe de Bosnie originaire de Mostar. Avec la guerre, la famille s’est exilée en Suède. A Malmö. Chez une tante qui avait fui le régime de Tito.

N. lui demande si elle n’est pas nostalgique de la Yougoslavie. J’étais trop jeune, qu’elle répond laconiquement. Je crois qu’elle veut éviter le sujet. Les choses auraient peut-être été différents si elle avait été croate, slovène, macédonienne ou bosniaque.

La soirée de l’amitié se déroule sur deux étages. Ambiances afterpunk au premier, goth et electroclash au second.

Une copine de Svetlana se précipite sur N. « J’adore vraiment ce que vous faîtes ! » Bien que N. tente de cacher son sourire satisfait, N. est aux anges. Elle lui propose un verre qu’il accepte avec joie.

Seul avec Svetlana en quête d’un truc à dire.

Trente secondes de solitude absolue.

Ce qui ne nous empêche pas de sourire timidement l’un l’autre.

Lorsque le Mac envoie l’une de mes chansons préférées.

-- Oh, génial. J’adore cette chanson, je lui lance tout excité.

-- C’est quoi ?

-- Taxi Girl. Aussi belle qu’une balle.

Je voudrais me lever, rejoindre les autres. Danser. Frissonner. En même temps, je ne voudrais pas être impoli. Alors je lui demande :

-- Heu… tu connais du monde ?

-- Heu… je ne pas connaître personne. Sauf Helena, ma cousine.

-- Serbe aussi ?

-- Un peu de serbe, un peu de hongrois et un peu de la France. Elle s’appelle Helena Kovacs.

-- Une très grande famille à ce que je vois.

-- Heu… vouis vouis. Et toi venir d’où ?

-- De Rouen.

-- C’est où ?

-- En Normandie. À une heure de Paris. La ville des Vikings.

-- Oh !

Elle marmonne un truc en suédois. Sonorité gutturale à la réverb intronisée slave. Sûrement en rapport avec ses ancêtres, les ancêtres de son pays d’adoption. Ou alors l’ennui d’être à mes côtés.

Un type efféminé looké batcave s’amène vers nous.

-- C’est la première fois que vous jouez à Nantes ?

-- Heu… en fait, je ne suis pas membre du groupe. Je ne fais qu’accompagner.

-- Roadie ?

-- Non plus. Je pense écrire sur eux.

-- Ah ! Écrivain.

-- Quelque chose comme ça.

Je lui explique que je n’ai toujours rien publié sauf quelques poèmes ou textes courts sur le net. Rien de bien sérieux. Pourtant ce ne sont pas les projets qui manquent. Un roman ambitieux, une biographie du groupe, un recueil de nouvelles, un essai sur les crises d’identité. Tout un programme qui nécessiterait plusieurs vie… et moins de paresse. Alors, écrivain ? Mmmm. Disons que c’est toujours plaisant en société d’être qualifié ainsi. Le besoin de reconnaissance sociale. Jusqu’à ce qu’on me demande si je gagne bien ma vie, question sans aucun intérêt selon lui.

-- Viens, je vais te présenter à un ami. Au fait, je m’appelle Mehdi.

Je propose à Svetlana de nous accompagner.

Bauhaus en ligne de mire.

Le second étage s’intronise Dark entries.

Svetlana semble un peu effrayée. Ou intimidée. Ça vous est sûrement déjà arrivé d’avoir eu les jambes engourdies en la présence d’un autre que vous. Elle me rappelle une camarade laotienne de fac qui avait découvert les charmes de l’Occident en une soirée. D’abord dans un sex-shop où j’y étais vendeur à l’époque. Puis dans une soirée Goth au Bidule. Elle m’avait posé cette question : « c’est une fille ou un garçon ? »

Bloc tout de noir vêtu.

Traçons en diagonale et fendons le bloc. Des voix murmurent dark entries de chaque côté. J’avoue que c’est assez impressionnant.

Svetlana s’accroche à nous. Sourire amusé de l’étrangère qui ne veut déranger personne.

Exit.

La cuisine et ses odeurs de bouffe, d’alcools et de clopes. C’est là que Mehdi nous entraîne. Le lieu de convivialité par excellence où vous n’échapperez pas aux jeux de la séduction.

On s’avance vers un type qui raconte des anecdotes d’un ton professoral à quelques jeunes gens agglutinés autour de lui.

Mehdi m’apprend que Pierre est un éditeur du coin spécialisé dans les biographies de rock star. Que c’est un type formidable même s’il peut paraître antipathique au premier abord. Qu’il est un grand amateur de femme. Effectivement. À sa manière de planter ses yeux dans ceux de Svetlana. Le parfait cliché du séducteur français qui vous cite des poètes à l’alcool sentimental tout en vous caressant du regard, pour reprendre la formule d’une amie américaine qui vit aujourd’hui avec un ancien rocker quelque part dans le Sud de la France.

-- Pierre, je te présente Zack.

-- Et la charmante demoiselle ?, l’éditeur ne passe pas par quatre chemins.

-- Oh, je vous présente Svetlana.

Pierre se fiche pas mal de moi. Il n’y a que les yeux de Svetlana dans sa ligne de mire. Un instant, je me suis imaginé qu’elle était ma petite amie. Aurait-il bavé de la même façon ? Lui aurais-je foutu mon poing dans la gueule ? Mmm. Trêve d’imagination. Laissons l’impossible somnoler, ce n’est pas le moment.

Je crois que je suis jaloux. De la situation. Ils m’ont expulsé de la cour avant même d’avoir pu produire mon discours de lèche-cul. Surtout le bouffon. Un type râblé avec des cheveux hirsutes flanqué d’une combinaison jaune, la même que celle portée par Bruce Lee dans le jeu de la mort. Probablement un étudiant de lettres ou de philo ou de cinéma, un type aux tics de langage amusant de béni-oui-ouisme : c’est clair / vous avez tout à fait raison / C’est énorme ce que vous dites / c’est la plus belle phrase que j’ai jamais entendue.

Svetlana ne m’adresse même pas un regard. Elle est complètement absorbée par le ton mielleux du bellâtre, ce grand ami de la Yougoslavie et du slivovice, ses deux amours qu’il annonce d’un ton solennel. Son récit débouche forcément sur Mostar, la belle cité qui lui inspira des vers, qu’il refuse de partager malgré les supplications du bouffon. L’éditeur serait-il du genre pudique. Je n’en crois rien.

Me suis dirigé vers une bouteille de Jack Daniel’s à moitié pleine. Fuir Mostar avant qu’il ne pleuve des bombes phraséologie nauséeuse.

-- Il est toujours aussi pédant ?, je demande à Mehdi.

-- En public. Autrement, c’est un homme extrêmement charmant. Une crème !

-- Un type qui a besoin d’amour !

Mehdi éclate d’un rire nerveux.

-- Il n’a pas voulu du mien, m’annonce-t-il avec des yeux tristes de chien battu figés dans les miens, ce qui me met dans une position inconfortable -- sa main frôle ma joue droite.

Maintenant pensez ce que vous voulez. Parce que je tiens à vous dire que je suis béni des Dieux. Eh oui, l’heureuse coïncidence qui tombe à pic. Elle s’appelle Love will tear us apart.

Le tube de Joy division, celui qui passe dans les clubs du monde entier, dans la même veine que le Boys don’t cry des Cure, ces hymnes bibelots souvenirs qui vous agacent mais que vous savourez chez les autres.

Mehdi a clairement compris mon message. Rires secs et nerveux. Regards décroisés. Bouffées de cigarette pour palier l’absence de réactions. Cocon fumoir enveloppant l’espace convivialité.

Quelqu’un se plaint. Quelqu’un qui ne fume pas. Quelqu’un qui a désamorcé la bombe sans même le savoir. Pour une fois, j’acquiesce. Nous nous excusons d’une même voix.

Lui annonce que je vais aller faire un tour en plus de la tape amicale sur l’épaule. L’entente est cordiale.

Exit.

Killing joke prend la suite. Tics nerveux de la tête aux pieds.

Je me surprends à chanter le refrain en compagnie d’inconnus qui se déhanchent sur le dancefloor. Nous sommes des étrangers appartenant à la même phratrie.

Une gamine nous rejoint. Elle est totalement en transe. Je dirais même en état de conscience modifié. Sentiment qu’elle pourrait chuter d’un moment à l’autre tellement j’ai l’impression que son corps ne communique plus avec la terre ferme. Je pose ma main sur son épaule. Pour qu’elle ne tripe pas toute seule. Mais elle ne réagit pas. Plus. Alors je déplace ma main vers son visage que j’effleure tout d’abord avant de lui donner une petite claque. Elle ouvre les yeux, m’observe comme si j’étais un monstre venu d’une planète hostile, puis sourit.

-- Salut toi !

La gamine me scrute de l’œil tout en affichant de lascives postures fusionnant manga & publique imagerie référencée Siouxie, Madonna, Peach, Miss Kittin, Emma Peel, Betty Page. Un curieux la photographie. De fil en aiguille les flashs se multiplient. Pourquoi pas, c’est dans l’ère du temps après tout que je me dis, de respirer en icône que la terre entière commentera instantanément sur facebook, myspace ou twitter. La terre entière !

Vive la fête se charge de la suite. Oh, yeaah !, exclamation de ralliement de la phratrie. Quelqu’un filme. Plan séquence il n’y a que ça de vrai. La réalité est que votre œil s’est substitué à celui de la caméra -- l’espace cohabitation frénétique mute en lieu de représentation. Et cette possibilité d’être vu à Buenos Aires, à Hong Kong ou dans le Dakota du Nord. Zoom sur l’idole, du général aux détails, ses cheveux crêpés, son maquillage dégoulinant, sa bouche coquinement vôtre, l’appel effréné de sa langue qui vous dit viens chèèrie, son perf qui lui colle au corps, i’m a bitch apposée sur son t-shirt moulant, ses collants volontairement tailladés finissant dans des docs usées de l’époque souveraine. Je ferme les yeux devant l’instant trouble. Parce que j’ai la certitude d’avoir déjà vécu ce moment. Suis-je en train de rêver ?


salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi salut toi


Sueurs froides dégoulinant sur mon visage de marbre, les mots qui manquent à l’appel et mon bras immobile sur celle qui vient de réapparaître.

« LAURE ? »




À SUIVRE…

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